Wikipédia : Vers la modération de certains articles?

Suite à divers couacs sur des biographies, Jimmy Wales milite pour un durcissement des règles de publications.
par Alexandre Hervaud
publié le 27 janvier 2009 à 17h00

Quel est le point commun entre le sénateur américain Edward "Ted" Kennedy et le rock&folkeux; Philippe Manoeuvre ? Ces braves hommes ont tous deux connu la mort avant de ressusciter. Rien de christique ni de miraculeux là-dedans puisqu'il s'agit de trépas prématurément annoncés sur l'encyclopédie Wikipédia , le genre de mésaventures régulièrement montées en épingle par les détracteurs du site.

S'il ne fait aucun doute que ces oraisons funèbres précoces n'enchantent jamais les premiers concernés, il convient de signaler la rapidité des wikipédiens à réagir. Dans le cas de l'annonce erronée sur Ted Kennedy suite à son malaise lors de l'investiture d'Obama, cinq minutes auront suffi aux contributeurs de l'encyclopédie en ligne pour corriger la fausse information.

Pour Jimmy "Jimbo" Wales, co-fondateur de Wikipédia, c'est l'occasion de reparler de flagged revisions (modifications vérifiées), outils qui lui semblent inévitables pour éviter ce type d'incident. Le principe : pour certains articles, notamment les biographies, les modifications apportées ne seraient visibles en ligne qu'après validation de modérateurs «dignes de confiance» . Le concept n'est pas nouveau et les discussions autour de ce procédés se poursuivent depuis des années, mais les récentes déclarations de Wales après les malencontreuses « fausses morts » ont fait ressurgir ce vieux serpent de mer...

«L'affaire des biographies de personnalités contemporaines est si important qu'à mon avis, il ne serait pas éthique d'ignorer un outil prometteur pour réduire ce problème, maintenant qu'il a déjà été testé» . Wales fait ainsi référence à la mise en place du système en Allemagne. Anodine en apparence, cette proposition, qui peut sembler légitime pour éviter tout débordement, provoque néanmoins une polémique passionnée entre utilisateurs du site. De nombreux wikipédiens relativisent en effet l'étendue de ce « problème ». Et si la rapidité de correction était au contraire la preuve d'une saine auto-régulation de la communauté wikipédienne ? Dans ce cas, pourquoi vouloir changer un système capable de mettre à jour rapidement, sans contrôle supplémentaire, les erreurs de contributeurs facétieux ? C'est l'opinion du contributeur Ned Scott, qui s'adresse ainsi à Wales : «Jimbo, tu es dingue ? Relis les articles sur l'affaire Kennedy, il a fallu moins de cinq minutes pour supprimer l'erreur, et c'est super impressionnant ! Au lieu d'être fier de tes utilisateurs, tu en profites pour imposer les flagged revisions»

Les Flagged Revisions, bien que déjà activées en Allemagne, constituent un changement profond du principe même de l'encyclopédie participative. Sur la page d'utilisateur de Jimbo Wales , les arguments s'échangent. Pour le contributeur MZMcBride, se focaliser sur les biographies n'est de toute façon pas une solution raisonnable : «Elles représentent pas moins de 12,34% de nos articles. Mettre en place les Flagged Revisions sur un tel segment du site engendrera sans aucun doute des retards impossibles à gérer». D'autres, comme Jbsupreme, soutiennent vigoureusement la vision de Wales : «il ne faut pas attendre que les dons pour Wikipédia soient ponctionnés pour payer un procès idiot parce que nous, éditeurs, étions trop pointilleux sur des détails pour avoir une vision globale de l'affaire» . D'après Wales, suite à un sondage, 60% des wikipédiens interrogés pencherait pour l'option de modération qu'il préconise, tout du moins pour une période de test clairement définie et limitée.

Ces discussions passionnées interviennent alors qu'outre-Manche, l'encyclopédie Britannica a dévoilé un plan permettant aux lecteurs de mettre à jour ses références. Si à première vue, le modèle Wikipédia semble-être l'inspirateur de ce revirement, Britannica privilégiera toutefois les contributions d'experts et de lecteurs sélectionnés, comme l'avait délicatement signalé son président Jorge Cauz sur son blog , en juin dernier : « Nous n'abandonnons pas nos responsabilités éditoriales face à la soit-disante '"sagesse des foules"'. Pour nous, la création et la documentation du savoir est un processus collaboratif, mais pas démocratique » . Pas si wikipédien, en fait.

Sur le même sujet : le dossier Inside Wikipedia

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