Vol virtuel, mais peine réelle

Brèche. Aux Pays-Bas, deux ados accros au jeu «Runescape» ont été condamnés pour avoir extorqué à un copain des cyberobjets achetés en ligne.
par Sabine Cessou
publié le 2 décembre 2008 à 18h34
(mis à jour le 2 décembre 2008 à 18h34)

Ils ont 14 et 15 ans et sont au centre d’une première très remarquée dans la ­jurisprudence néerlandaise: ils viennent d’être condamnés à des peines d’intérêt général, pour vio­lences et «vol virtuel».

En septembre 2007, les deux garçons, qui habitent la ville de Leeuwarden, dans le nord des Pays-Bas, ­forcent un camarade de classe, en le menaçant d'un couteau, à leur donner une amulette et un masque virtuels, deux objets qu'il a achetés sur Runescape , un jeu Internet très populaire chez les 10-15 ans. La victime cède et transfère les deux objets sur les comptes en ligne de ses agresseurs. Les parents de la victime ont porté plainte.

Dans ce qui est ­devenu, fin octobre, «l'affaire ­Runescape», le procureur a demandé au tribunal de considérer les objets virtuels comme des biens «réels et tangibles» , dans la mesure où leurs propriétaires, qui se les échangent contre de l'argent sur Internet, leur ­donnent une valeur non moins «réelle et tangible» . Une brèche ouverte sur le plan juridique, pour établir la notion de vol, même virtuel. De leur côté, les avocats de la défense prétendaient que leurs jeunes clients n'avaient strictement rien volé du point de vue légal, puisque les deux objets en question n'existent pas. Leurs arguments ont été battus en brèche.

Les juges de Leeuwarden se sont fondés sur un jugement ­antérieur, qui avait considéré l’électricité comme un bien matériel pour en sanctionner le vol. Une cascade de procès pourrait bien suivre.

Cinq jeunes de 15 à 17 ans ont déjà été arrêtés à Amsterdam, en novembre 2007, pour avoir volé du mobilier virtuel dans les chambres d'hôtels du jeu Internet Habbo Hotel . Dans ce jeu en trois dimensions, auquel jouent 6 millions de personnes dans 30 pays, on peut créer son personnage, décorer sa chambre et jouer à divers jeux, en achetant des «crédits» avec de l'argent réel. «Les meubles ne sont pas des objets physiques, mais comme ils ont une valeur marchande, nous pensons qu'il s'agit de vol» , a déclaré un porte –parole de la police. Les jeunes hackers, accusés d'avoir volé pour 4000 euros de mobilier virtuel, avaient pris au piège d'autres joueurs, en leur demandant leur mot de passe sur de faux sites Habbo. La plainte a été déposée par Sulake, la société qui gère le jeu. Le procès n'a pas encore commencé.

Amsterdam, de notre correspondante

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