Spotify veut ringardiser iTunes

par Alexandre Hervaud
publié le 4 mai 2011 à 7h46
(mis à jour le 4 mai 2011 à 15h07)

Si de nombreux utilisateurs de Spotify ont pesté devant les derniers changement tarifaires du logiciel d'écoute de musique en ligne, les nouveautés officialisées aujourd'hui risquent fort de remettre le service sur le devant dans la scène : avec la nouvelle version de l'application qui sera progressivement disponible dans les prochains jours, la société suédoise s'attaque à l'infernale usine à gaz d'Apple, le mal aimé iTunes, aussi bien sur la gestion de produits Apple que sur la vente de musique.

Spotify, pour l'instant disponible dans sept pays européens (Suède, Espagne, Finlande, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et France) en attendant un hypothétique lancement américain, «dit bonjour à l'iPod» d'après l'intitulé de son dernier communiqué de presse . Concrètement, sa nouvelle version permet à présent de gérer la musique présente dans tout type d'iPod (du classique au Touch en passant par le nano) : l'appareil est automatiquement reconnu par le logiciel, qui permet ainsi de synchroniser tous ses fichiers de musique (préalablement scannés et gérables via Spotify) avec l'iPod. L'opération peut-être interrompue puis reprise sans «perte» aucune.

L'autre nouveauté annoncée à la presse avec un certain sens du teasing – embargo jusqu'à aujourd'hui 7 heures du matin pour que l'Europe ait la primeur de l'info avant les Etats-Unis (même si on ne voit pas trop l'intérêt), conférence vidéo avec les équipes techniques basées à Stockholm, etc. – est un service de téléchargement entièrement maison. Jusqu'à présent, Spotify permettait l'achat d'une partie de son catalogue via un partenaire externe, 7digital , mais sans grand résultat. De l'aveu de Gustav Söderström, chef de produit chez Spotify, «l'expérience était mauvaise : moins de la moitié des pistes étaient disponibles à l'achat, et aucune réduction n'était proposé aux clients s'ils achetaient plusieurs pistes» . Chez la concurrence, les prix des albums (9,99 euros pour beaucoup d'entre eux) contient souvent une «réduction» par rapport au prix à l'unité (0,99 euro en moyenne), réduction d'autant plus intéressante si l'album contient de nombreuses pistes. Avec son nouveau service de téléchargement, Spotify enterre l'ère de l'album (c'était déjà le cas, certes) pour sacraliser à sa place la playlist : les utilisateurs du service en ont déjà créé plus de 200 millions.

Avec ce service, Spotify ne vise clairement pas ses abonnés Premium (ceux là pouvant synchroniser sur leur smartphone des fichiers musicaux accessibles hors connexion pour 9,99 euros par mois), mais «le reste des utilisateurs pour qui écouter ses playlists préférées en mobilité n'est pas encore possible» . Seule solution pour blinder les gigaoctets des baladeurs mp3 de la pomme : acheter. Mais sans pour autant «s'embêter à devoir acheter chaque piste séparément, passer de lecteurs en lecteurs, ou se ruiner» , dixit Spotify qui semble ainsi décrire le mode de vie moyen d'un utilisateur assidu d'iTunes. Pour ce faire, Spotify entend proposer des bundles (offres groupées) dont le principe est simple : plus l'utilisateur achète de pistes destinées à alimenter ses playlists, plus le prix à l'unité est intéressant. Pour 10 pistes, il en en coûtera 9.99 euros, soit presque 1 euro la piste, rien de très folichon. Pour 100 pistes, le prix unitaire passe toutefois à 0,60 euros :

«Avec iTunes, on achète d'abord, on fait ses playlists ensuite. Ici, c'est l'inverse» , résume Söderström qui précise qu'Apple n'a pas été consulté durant la mise en place de ce service en projet depuis un an et demi. Réduction ou pas, difficile d'imaginer les habitués au streaming disponible hors connexion (et donc abonnés) revenir à l'achat de mp3, même groupés, mais comme on le verra plus tard, ils ne font tout simplement pas partie de la cible d'un tel service.

Dernier changement significatif pour Spotify : ses applications mobiles (sur Android, iOS, etc.) jusqu'à alors réservées aux abonnées Premium seront désormais disponibles à tous les inscrits au service, même gratuits. L'application pourra synchroniser via WiFi les mp3 présents sur l'ordinateur préalablement scannés par Spotify. L'écoute en streaming du catalogue de Spotify ne concerne évidemment pas les utilisateurs de Spotify Free.

Comment les labels, amenés à signer de nouveaux accords pour permettre ces nouveautés, ont-ils réagi ? D'après Söderström, ils ont été «coopératifs» et 97% du catalogue de Spotify va pouvoir être accessible via ces nouveaux moyens. En simplifiant l'achat de mp3, Spotify semble effectuer un mouvement quasi anachronique face à sa stratégie d'abonnements Premium, qui privilégient l'accès de la musique (via URL) à la possession d'un fichier. «Accéder à la musique via téléphone, c'est le futur, mais aujourd'hui cela ne concerne qu'un assez petit pourcentage des mélomanes» , juge Söderström, visiblement ravi de faire un démonstration sans bug depuis ses locaux suédois.

Reste maintenant à voir comment réagira Apple de voir son logiciel maison ainsi ringardisé (ce n'était déjà pas les alternatives qui manquent, certes), alors que le lancement de son service d'écoute de musique en ligne ( iCloud ?) s'annonce imminent.

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