MegaUpload : Les naufragés du piratage

par Fabrice Rousselot
publié le 22 janvier 2012 à 12h57

«C'est la plus grande attaque que nous ayons jamais lancée.» Au lendemain de la fermeture, jeudi soir, par le FBI du service de téléchargement direct MegaUpload, le groupe de hackers Anonymous s'est félicité, vendredi sur son blog, de la riposte qu'il a organisée, réussissant à paralyser pendant plusieurs heures les sites du FBI et du département américain de la Justice, mais aussi d'Universal ou de Warner. En moins de vingt-quatre heures, l'annonce par le gouvernement américain de son opération d'envergure contre le site fréquenté par plus de 50 millions de visiteurs chaque jour a entraîné un véritable chaos sur la Toile.

Après l'intervention surprise, le département de la Justice annonçait dans un communiqué que le FBI avait fermé MegaUpload et les 17 autres sites de son réseau, accusés de «piratage massif de nombreuses œuvres soumises au droit d'auteur» . Il révélait aussi que le fondateur du site, l'Allemand Kim Schmitz (lire l'article), avait été arrêté chez lui, en Nouvelle-Zélande, en compagnie de trois autres salariés du groupe, qui emploie 30 personnes dans neuf pays.

Ce coup de force survient alors qu'aux États-Unis le débat s'est intensifié la semaine dernière autour de deux projets de loi contre le téléchargement illégal, Sopa et Pipa, qui doivent être présentés au Congrès, et font l'objet d' une vaste protestation de la part des ténors du Web . Mais la fermeture de MegaUpload est le résultat d'une enquête fédérale lancée il y a deux ans. L'acte d'accusation de 72 pages accuse «Kim Dotcom» et six autres de ses partenaires d'appartenir à une «organisation criminelle mondiale» , que le gouvernement a baptisé «Mega Conspiracy» , et qui est «impliquée dans la violation de droits d'auteur et le blanchiment d'argent» . Chacun d'entre eux risque jusqu'à vingt ans de prison. Selon les enquêteurs, MegaUpload, de par son activité, a entraîné plus de 500 millions de dollars (386 millions d'euros) de pertes pour les ayants droit, tout en générant 175 millions de dollars de profits grâce à la publicité et à ses abonnements. Pour parvenir à ses fins, le FBI a lancé dix-huit mandats de perquisition aux États-Unis et dans huit pays et a saisi près de 50 millions de dollars d'actifs, s'attaquant aux serveurs de MegaUpload sur la planète.

L'un des avocats américains de MegaUpload, Ira P. Rothken, a estimé dès jeudi soir que «le gouvernement se trompait sur les faits et sur l'application de la loi». Jusque-là, le site s'est toujours présenté comme un service de stockage de fichiers à distance, soulignant qu'il accueillait des fichiers légaux. Mais l'acte d'accusation du FBI présente une autre version. Le bureau fédéral, qui a eu accès à de nombreux mails échangés par les responsables du site, assure que ces derniers savaient pertinemment que le plus gros du trafic sur MegaUpload concernait le téléchargement de fichiers piratés. Les enquêteurs évoquent notamment un système de paiement, mis en place depuis 2005, qui récompensait financièrement les utilisateurs mettant en ligne les contenus piratés les plus populaires. Plusieurs mails révèlent qu'un internaute aurait été «rétribué» en 2009 après avoir posté plus de 30 000 fichiers musicaux. La justice affirme par ailleurs que MegaUpload gérait ses revenus à travers une cinquantaine de comptes bancaires domiciliés pour la plupart à Hongkong. Et s'interroge sur des transferts d'argent qui auraient servi à payer des locations de yachts en Méditerranée.

Vendredi, une page Facebook suivie par plus de 20 000 personnes proposait d'observer «72 minutes de silence pour MegaUpload» , une référence au site de streaming du groupe qui permettait de visionner gratuitement n'importe quel film pendant 72 minutes avant d'imposer une pause d'une demi-heure.

Paru dans Libération du 21 janvier 2012

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