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Libération

Le stylet décoince la bulle

par Sébastien Delahaye
publié le 31 janvier 2008 à 2h08

«Avec Soul Bubbles, on voulait faire un jeu vidéo pour se faire plaisir, prévient d'emblée Olivier Lejade, fondateur de Mekensleep (on ne rit pas), petit studio parisien situé en plein Marais. L'idée, c'était de créer sans se mettre de limite, avec nos conditions et en bossant avec qui on le souhaitait.» Dans un milieu en pleine industrialisation, ça ressemble à un rêve pour la plupart des développeurs de jeux vidéo. Mais après une première tentative difficile dans le jeu vidéo (Ryzom, un univers persistant à la World of Warcraft dont le développement fut marqué par une longue suite d'embûches), Olivier Lejade voulait revenir à quelque chose de plus simple. Ce sera Soul Bubbles, un innovant jeu qui sortira au printemps sur la très populaire Nintendo DS.

Dans Soul Bubbles, on ne dirige pas un héros classique, mais une bulle. Laquelle contient des «esprits», qu'il faudra veiller à mener intacts jusqu'au bout de chaque niveau. Et le chemin est parfois ardu : il faut souffler sur la bulle - enfin, en actionnant le stylet de la DS. - pour la faire avancer, la faire rebondir, la scinder pour se glisser dans les espaces les plus étroits, la faire grossir ou rétrécir pour atteindre certains passages. Des mécaniques de jeu inédites, que Mekensleep a rendu très simples à comprendre une fois la console en main.

Et ça ne s'arrête pas là, puisque les huit univers du jeu contiendront tous des petits changements de gameplay.

Surprise. Dans un marché de plus en plus dominé par les suites, remakes et autres tests d'intelligence, le petit jeu original et différent développé en secret par Mekensleep depuis trois ans et demi fait figure d'excellente surprise. Pour en arriver là, il a cependant fallu du temps.

Tout commence en septembre 2004, lorsque le développeur Omar Cornut, ancien d'Atari, montre à Olivier Lejade un prototype de jeu tout simple : on peut créer des bulles, et souffler dessus. «Ça faisait des années que j'avais envie de travailler avec Omar, raconte Lejade. Alors, quand il m'a montré le prototype, j'ai pensé que c'était le bon moment. On a commencé juste tous les deux pendant les premiers mois, en améliorant le prototype et en essayant des idées pour faire un jeu autour.»

La petite équipe fait à l'époque le pari de développer son jeu pour la Nintendo DS, qui ne domine pas encore le marché des consoles portables, mais qui propose deux petits écrans, dont un tactile. Une nouveauté pour Olivier Lejade, plutôt habitué au monde des PC et des jeux multijoueurs sur Internet. Pour trouver l'inspiration, il fait appel à Frédérick Raynal, l'un des plus célèbres game designers français, créateur de plusieurs jeux cultes dans les années 90 (Alone in the Dark, Little Big Adventure). Le trio travaille durant près d'un an pour faire progresser le concept, améliorer les bonnes idées et mettre à la poubelle les mauvaises. Une collaboration «très fructueuse» pour Olivier Lejade : «Frédérick a toute cette culture du jeu solo que je n'ai pas, et avec son expérience, il nous a permis d'éviter plein de pièges.»

Bonnes idées. Le petit prototype commence alors doucement à ressembler à un jeu vidéo. Mais on n'y est pas encore. Au printemps 2006, alors que Frédérick Raynal est parti développer un nouveau projet pour l'éditeur français Ubisoft, Mekensleep commence à embaucher pour renforcer son équipe : au total, ils seront une douzaine à travailler sur le titre. Ce n'est qu'au printemps 2007, une fois la technologie terminée et les mécaniques du jeu enfin stabilisées, que le jeu est réellement mis en production : niveaux, graphismes, musique, bonnes idées. Il faut tout assembler pour enfin transformer Soul Bubbles en jeu vidéo.

Mekensleep passera ensuite l'automne à corriger les petits soucis et à faire essayer le jeu à de petits groupes de personnes, des joueurs les plus confirmés aux plus occasionnels, afin de le rendre accessible à tous. Entre-temps, Olivier Lejade a profité de tous les salons professionnels pour montrer son jeu. Après de longues négociations, il signe Soul Bubbles durant l'été. Ce sera chez le britannique Eidos, déjà éditeur l'an passé du très bon Nervous Brickdown (Libération du 23 mars 2007), réalisé par trois personnes à Paris en quelques mois. Eidos, qui s'occupera du marketing et de la mise en rayons, devrait sortir le jeu au printemps presque partout dans le monde.

Dernière mission. Mais le jeu n'est pas encore tout à fait terminé : avant de confier son bébé à Eidos, Mekensleep a quelques jours pour peaufiner son titre, pour poncer les derniers petits bouts qui dépassent. Pour la suite, Mekensleep n'a pas de projet immédiat. Mais l'entreprise, bâtie autour de piliers du logiciel libre français, a une dernière mission à remplir : publier sur le Net (sous licence libre, donc réutilisable par tous) les outils de création de Soul Bubbles. Une pratique de partage à laquelle tient Olivier Lejade. «Et ensuite, souffle-t-il, on pourra enfin prendre des vacances.»

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