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Le prix unique du livre numérique peut attendre

Edition . L’Autorité de la concurrence a rendu hier son avis, qui va à l’encontre du rapport Zelnik.
par Frédérique Roussel
publié le 12 janvier 2010 à 0h00

Faut-il un prix unique du livre numérique ? Le livre papier en a un depuis la loi Lang de 1981, qui prévoit qu'un ouvrage neuf, vendu en France, doit avoir un prix unique fixé par l'éditeur, avec une réduction proposée par le libraire pouvant aller jusqu'à 5%. Les envies de transposition de cette loi dans l'univers numérique se font plus pressantes avec le développement des usages en ligne et des tablettes de lecture. L'avis de l'Autorité de la concurrence rendu public hier, répond non, pas de prix unique du livre numérique pour le moment. «Au regard du caractère encore embryonnaire du marché du livre numérique, l'Autorité est d'avis qu'il serait prématuré de mettre en place un cadre qui pourrait se révéler trop rigide ou rapidement obsolète et qui risquerait au final de ralentir le développement du marché», estime l'autorité indépendante dans un avis, sollicité par le ministre de la Culture le 19 mai 2009. Un couac dans le récent concert d'appel à une transposition.

Constat. L'avis fait en effet dissonance à une phrase de Sarkozy dans son discours de vœux à la Culture du 7 janvier à la Cité de la musique. Il y affirmait : «Nous devons absolument obtenir pour l'industrie du livre la transposition du prix unique et du taux réduit de TVA dans l'univers numérique». La veille, le rapport Zelnik avait préconisé, entre autres, que «l'extension du prix unique du livre au livre numérique […] doit être prévue par la loi dans les plus brefs délais».

Si leurs conclusions divergent, le rapport Zelnik et l’Autorité de la concurrence se rejoignent au moins sur un constat : l’offre de livres numériques est émergente et n’a pas encore d’existence économique substantielle. Ainsi, il représenterait à peine plus de 0,1% du marché français de l’édition. S’il existe depuis plus de dix ans, le livre numérique ne fait l’objet d’aucune disposition spécifique et n’a commencé à se développer que depuis trois ans. En ligne, le prix peut varier entre celui du papier et un prix environ deux fois moindre. Pas le feu au lac pour légiférer, soutient l’Autorité de la concurrence qui rappelle les objectifs de la loi Lang du 10 août 1981 : l’égalité du citoyen devant le livre, le maintien d’un réseau important de distribution, et le soutien au pluralisme dans la création et l’édition. Le rapport du député Hervé Gaymard sur l’évaluation de la loi relative au prix unique, remis en mars 2009, avait d’ailleurs conclu à un bilan largement positif.

Cette loi aurait notamment permis le maintien d’un réseau dense de librairies, plus de 3 500. Un rapport de juin 2008, celui de Bruno Patino, actuel directeur de France Culture, avait aussi dit les bienfaits de la loi Lang.

Coût. Le cas du livre numérique est fort différent, selon l'Autorité de la concurrence. D'abord, la densité du réseau de libraires ne constitue pas un facteur d'accessibilité des lecteurs au livre numérique proposé par essence en ligne. D'autre part, il suppose à terme une diminution du coût d'édition et de diffusion des ouvrages, et il permet un phénomène de «longue traîne» (qui favorise notamment les titres épuisés). L'Autorité recommande une période d'observation d'un à deux ans, sans dispositif spécifique. Différents modèles pourraient alors cohabiter (fixation des prix par le détaillant ou par l'éditeur, système technique ouvert ou fermé de téléchargement). Ce temps permettrait de juger du potentiel du livre numérique et de réfléchir à la rémunération des auteurs dans ce nouvel univers.

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