Hadopi : le logiciel de sécurisation à la corbeille

par Camille Gévaudan
publié le 9 juin 2010 à 15h13

C e sont tous les aspects -- répressifs comme préventifs -- de la loi Hadopi qui subissent, l'un après l'autre, retard ou annulation. Et l'annonce d'un possible abandon du logiciel de sécurisation pourrait sérieusement handicaper le bon déroulement de la machine à punir les pirates.

Frédéric Mitterrand ne cesse de le répéter à qui veut l'entendre (et le croire) : le volet répressif de la loi Hadopi ne doit pas être et ne sera pas le plus important. Les avertissements et la menace de déconnecter les pirates récidivistes ? Ce sont les conséquences fâcheuses mais nécessaires de leur obstination à enfreindre le droit d'auteur. Le cœur de la mission, selon le ministre de la Culture et de la Communication, est pédagogique. La Haute Autorité remettra les internautes sur le droit chemin en leur rappelant que les réseaux peer-to-peer sont surveillés, en les informant d'offres légales pour télécharger films et musique et en lançant une «carte musique jeunes» subventionnée par l'État.

Mais toutes ces mesures sont sans cesse repoussées. Alors que le volet répressif devait entrer en application avant la fin 2009, puis en avril 2010, puis en juin, d'ultimes rebondissements liés à la Cnil risquent de le reprogrammer au mois de septembre . La carte subventionnée à l'intention des jeunes mélomanes attendra également l'automne, pour des raisons économiques cette fois. On a enfin appris, lors de la présentation officielle de la Haute Autorité, le 4 mai, que le logiciel de sécurisation ne serait pas prêt pour accompagner les premiers e-mails d'avertissement... Dernière péripétie en date : les brouillons dudit logiciel seraient tout simplement jetés à la corbeille.

C'est le blogueur Pierre Chappaz -- fondateur de Kelkoo -- qui donne la nouvelle , après un déjeuner en compagnie du secrétaire général d'Hadopi, Eric Walter, sur proposition de ce dernier : «Dans le détail, il m'a expliqué que le logiciel de sécurisation des routeurs Wifi était enterré.» Le hic étant que ce logiciel devait permettre, justement, de clamer son innocence devant le juge. Pour rappel, la loi prévoit deux types de procédures : l'une punit le délit de contrefaçon, et l'autre la «négligence caractérisée» sans accuser directement l'internaute de téléchargement illégal. Puisqu'on ne peut identifier, au mieux, que le réseau sur lequel l'infraction a été commise, pas moyen de savoir si le pirate était l'abonné lui-même, son fils, sa mère, un collègue passé à la maison ou un voisin mal intentionné qui se serait introduit dans le réseau Wi-Fi domestique. L'internaute convoqué au tribunal devait donc se voir reprocher la «négligence» de n'avoir pas protégé sa connexion Internet. Et les avertissements reçus devaient s'accompagner de conseils pour remédier à cette négligence.

On imagine mal la forme des courriers d'avertissement si l'information de Pierre Chappaz se confirmait... «L'Hadopi vous rappelle que vous êtes tenus de sécuriser votre ligne par des moyens techniques. Débrouillez-vous pour les découvrir, les installer et vérifier qu'ils fonctionnent. Bon courage et bien à vous.» Ça ferait mauvais genre. Et, plus sérieusement, décrédibiliserait toute probabilité d'être effectivement condamné pour ce mystérieux manquement à la loi. On attend donc avec impatience les éclaircissements que pourrait apporter Eric Walter sur ce point. Le blogueur croit savoir «qu'Eric s'exprimera prochainement sur ce sujet» .

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