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Libération

La justice n’écoute pas Universal Music

par Virginie Malbos
publié le 6 septembre 2011 à 8h55

Face aux menaces du rouleau compresseur Universal Music France, même le premier site d'écoute de musique en ligne français peut se permettre de trembler. Surtout quand la major précise qu'en cas d'issue favorable au procès engagé, 30% des titres écoutés sur le site internet devraient disparaître de sa partie gratuite. Fortement probable, ce dénouement idyllique pour Universal Music France, beaucoup moins pour Deezer, n'a pas été l'option retenue par le Tribunal de grande instance de Paris. Hier, il a opté pour une conclusion beaucoup plus imprévue, décidant de débouter « l'intégralité des demandes » de la major. Une ordonnance non sans ironie : le tribunal considère que la major et ses 40% de parts du marché de la musique hexagonale a pu commettre « un abus de position dominante qui a pour effet de la priver de revendiquer des mesures d'interdiction fondées sur le droit d'auteur » .

Déposée en juin, la plainte en référé pour contrefaçon accusait Deezer de diffuser gratuitement de la musique appartenant à la major, sans en avoir payé les droits d'exploitation. En effet, ceux-ci n'auraient pas été renouvelés depuis le début de l'année. En cause: des négociations bloquées pour un désaccord sur les conditions d'utilisation des titres. Car si depuis 2008, Universal Music France a permis à Deezer d'utiliser son catalogue contre rémunération, en mai 2011, la major s'est mise à exiger que le site de streaming limite l'accès à ses titres, dans la partie gratuite, à cinq écoutes, à vie. Une règle à laquelle s'est pliée Spotify , le principal concurrent de Deezer, qui depuis avril limite pour ses non abonnés l'écoute d'un même titres à cinq fois, et plafonne la totalité des morceaux entendus par mois à dix heures. De son côté, Deezer a décidé de limiter lui aussi la durée d'écoute globale à cinq heures par mois, mais s'est toujours refusé à fixer des règles concernant la manière dont ces heures seraient réparties.

Son PDG, Axel Dauchez, s'en expliquait en juin dernier : « On est prêt à cette « dégradation » du gratuit même si je n'aime pas ce mot, mais pas à dégrader l'usage de nos « visiteurs du dimanche ». La frontière est peut-être étroite, mais il ne faut pas s'en prendre à ce public qui est dans une sorte de sas entre piratage et modèle payant, auquel il n'est pas encore forcément converti, mais vers lequel il migre progressivement. C'est pourquoi nous avons décidé, après en avoir longtemps discuté avec les maisons de disques, de limiter à cinq heures par mois l'écoute gratuite. En revanche, pas question, comme l'a fait Spotify, de restreindre de manière très contraignante l'accès au catalogue. L'usage gratuit doit être limité, mais le choix de la musique doit rester libre. A trop vouloir restreindre le service, on risque de pousser une partie du public dans l'illégalité.»

Seule major à demander de telles conditions d'utilisation pour son catalogue, Universal Music France n'a pas dit son dernier mot. Dans un communiqué, elle explique qu' « en raison de l'importance fondamentale de cette question pour les ayants droit de la musique, il importe que la juridiction du fond qu'Universal va saisir se prononce » . Plutôt confus, mais l'effet de surprise doit y être pour beaucoup.

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