Hadopi: Pour convaincre les sénateurs, le SNEP sort l'artillerie lourde

par Erwan Cario
publié le 24 octobre 2008 à 15h24

La loi Création et Internet va entrer la semaine prochaine dans sa phase parlementaire. Le projet étant soutenu par Nicolas Sarkozy, et les deux enceintes parlementaires étant contrôlées par la majorité, on peut raisonnablement penser que tout est joué. Et ce malgré le débat européen actuellement en cours. Mais il faut croire que la voix des nombreux détracteurs de la loi se fait entendre. Un peu trop pour ses partisans, qui ont décidé de continuer à faire valoir leur position auprès des élus. Sans doute pour aider ces derniers à justifier leur choix.

Ainsi, le Syndicat National de l'édition Phonographiques (SNEP) a-t-il fait parvenir aux sénateurs un petit document où ils expliquent tout le bien qu'ils pensent de la loi, avec sa Haute Autorité et sa riposte graduée. Un document que le site PcInpact s'est procuré. Rien de bien nouveau au programme, on retrouve principalement les chiffres qui ont déjà servi d'arguments lors de la préparation de la loi. Et parmi cette collection de données, toujours les mêmes affirmations biaisées. Ou invérifiables.

Comme, par exemple, cet étonnant paragraphe : «Ainsi des expériences fondées sur un dispositif similaire en Grande Bretagne et aux USA ont déjà fait leur preuve : 80% des internautes ayant reçu un avertissement arrêtent de télécharger illégalement. Au Royaume-Uni, les fournisseurs d'accès et les producteurs ont décidé de transposer un dispositif analogue à celui du projet de loi français. Le gouvernement japonais de son côté s'est engagé dans un processus de cette nature, et la Commission européenne elle-même examine ce qui pourrait être réalisé à l'échelle de l'Union.»

La référence à l'application du principe de riposte graduée aux Etats-Unis était déjà présente lors de la présentation du projet au conseil des ministres. Mais aucun moyen de mettre la main sur la moindre trace de son existence (et encore moins sur ce chiffre de 80%). Et le système en place actuellement en Grande Bretagne se limite pour l'instant aux avertissements, sans menace de coupure. Ce genre de référence est d'autant plus surprenante qu'elle est utilisée dans les autres pays à l'inverse, en citant le «modèle français» comme s'il était déjà en application. Passons sur sur le passage à propos de la Commission Européenne qui, dans le contexte actuel , ne peut prêter qu'à sourire.

A noter aussi que le SNEP n'a pas pu s'empêcher de ressortir de ses cartons le mémorable

sondage qui affirme que «74% des Français se disent favorables aux principales dispositions du projet de loi "Création et Internet"» . Rappelons que la question demandait implicitement de choisir entre la suspension d'Internet et la sanction théorique actuelle de 3 ans de prison et 300000 euros d'amende.

Mais parfois, le SNEP sait utiliser des arguments mesurés. Comme par exemple lorsqu'il explique : «Ce texte s'inscrit en outre dans un contexte international qui montre que la préoccupation de réguler l'Internet devient un objectif partagé par les principaux pays démocratiques des Etats-Unis au Japon en passant par l'Europe.» C'est dommage, en enlevant «démocratiques» , ils auraient pu rajouter quelques grands pays à la liste.

A lire également:

_ - Europe : La Commission accepte l'amendement anti-riposte graduée (21/10/2008)

_ - Les majors aiment la loi antipiratage (et ce sont bien les seuls) (28/05/2008)

_ - « Création et Internet » : Les défauts d'une loi (18/06/2008)

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