Hadopi : Où s'arrêtera la surveillance ?

Le texte, voté hier au Sénat, permet de de punir les infractions de contrefaçon commises au moyen «de communications électroniques». Ce qui désigne aussi bien les mails que la messagerie instantanée.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 9 juillet 2009 à 16h46
(mis à jour le 9 juillet 2009 à 17h28)

Les agents assermentés de l'Hadopi pourront-ils accuser deux internautes pour avoir échangé, via mail, un fichier protégé par le droit d'auteur ? Et donc pourront-ils surveiller ce type d'échange ? La question est d'importance, et soulève les limites du contrôle et de la surveillance des communications sur Internet par la haute autorité administrative, ceci à la demande des ayants-droit.

Lors de la publication du projet de loi relatif «à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet», on soulignait que l'article 3 prévoit de punir les infractions de contrefaçon commises «au moyen d'un service de communication au public en ligne ou de communications électroniques» . Or dans le Code des postes et communications électroniques, les «communications électroniques» sont décrites comme «les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d'écrits, d'images ou de sons, par voie électromagnétique» . En clair, cela peut concerner des échanges par mail, mais aussi par Skype ou MSN.

Cette idée a déjà avancée par l'UMP Franck Riester dans le projet de loi Création et Internet. Mais, finalement Christine Albanel et Riester lui-même avaient donné un avis favorable aux amendements demandant sa suppression. Mais comme une mauvaise télénovela, la série Hadopi se répéte, l'idée est réapparue dans le nouveau texte adopté hier au Sénat. Et les sénateurs communistes de déposer un amendement, le 17 , pour demander sa suppression, estimant que «cette disposition constitue une atteinte à la vie privée» .

La sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin (PC) a expliqué «que dans la mesure où les échanges de mails ont le statut de correspondance privée, comme la jurisprudence l'a établi, cet élargissement constitue une atteinte à la vie privée, atteinte interdite par l'article 9 du code civil français et l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948» . Le sénateur UMP Michel Thiollière, faisant référence à la loi Davdsi, a répondu que «dans sa décision du 27 juillet 2006, le Conseil constitutionnel a considéré qu'il ne pouvait y avoir de rupture d'égalité injustifiée entre les auteurs d'atteintes à la propriété intellectuelle selon que ces atteintes seraient commises au moyen d'un logiciel de pair à pair ou un autre moyen de communication en ligne.» . En clair, que selon cette décision il serait contraire au principe d'égalité qu'un échange via les réseaux p2p soit sanctionné par une (simple) contravention, alors que les autres supports relèveraient eux du délit de contrefaçon.

Le débat reprendra d'ici dix jours à l'Assemblée nationale. Ce matin, le député UMP Lionel Tardy a en effet annoncé qu'il déposera un amendement visant à son tour à faire supprimer l'expression de «communication électronique». L'exposé des motifs de l'amendement, rapporté par PC Inpact , explique : «Ce texte vise les violations du droit d'auteur opérées par le biais des services de communications électroniques, c'est-à-dire par la messagerie. Cela implique, pour les détecter, d'ouvrir des correspondances privées, ce qui serait assurément inconstitutionnel.» Face à Lionel Tardy, ce matin, sur BFM , le rapporteur Franck Riester a répliqué que le téléchargement illégal ne se pratiquant pas uniquement par p2p : «on doit regarder sur Internet toutes ces techniques-là» .

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