Google s'oppose à la suspension d'accès à Internet

par Astrid GIRARDEAU
publié le 18 mars 2009 à 11h42

La coupure de l'accès à Internet, comme prévue dans la riposte graduée, «comporte des risques vis-à-vis des droits fondamentaux et procéduraux des utilisateurs, en menaçant de couper l'accès Internet sur de simples allégations et en renversant la charge de preuve sur l'utilisateur qui doit prouver l'absence d'infraction» . Un nouvel opposant à la suspension de l'abonnement a fait son apparition : Google.

Cela se passe en Nouvelle-Zélande. Interrogé par le régulateur (Telecommunications Carriers Forum) sur la section 92a de la loi sur le Copyright, Google a présenté une critique détaillée, rapporte le site PCWorld néo-zélandais . Pour rappel, ce texte oblige les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) à résilier l'accès de leurs abonnés ayant téléchargé de façon répétée ( «1 fois ou plus» ) des œuvres protégées par le droit d'auteur. Prévue pour le 28 février, sa mise en place a été suspendue face la protestation des internautes, des associations de défense des libertés individuelles et des FAI.

«La Section 92A sape les incroyables bénéfices sociaux et économiques d'un Internet ouvert et universellement accessible, en prévoyant une peine de suspension ou de déconnexion qui est disproportionnée par rapport au préjudice de la violation du copyright en ligne» , explique le Géant de Moutain View, qui demande par ailleurs que ce soit un juge indépendant qui évalue les preuves et détermine s'il y a bien eu violation. Comme en France, le gouvernement néo-zélandais explique que la première vocation de son projet est éducative. Google conteste le fait qu'en dehors de leurs obligations, il y a peu de référence concernant l'éducation des utilisateurs «sur leurs droits» , mais aussi les cas «permettant l'utilisation licite d'œuvres protégées.» De plus, il souligne le problème du risque d'erreurs en prenant son propre cas. Il explique ainsi que, dans la cadre du DMCA (loi américaine sur le copyright), 57% des notifications qu'il reçoit viennent d'entreprises concurrentes, et que 37% ne sont pas valides.

A noter que de son côté, TelstraClear, l'un des principaux FAI nationaux, a clairement fait savoir qu'il ne ratifierait pas le Code de Conduite en train d'être élaboré par le régulateur, et qui décrit les obligations de FAI selon la section 92. «Les utilisateurs d'Internet (nos clients) ont fortement protesté contre cette loi et son application» , commente le FAI, qui juge cette loi mauvaise et inefficace. Cela pourrait être «un coup mortel pour la loi» , commente le site néo-zélandais Stuff . En effet, le Code a besoin de l'unanimité de ses participants (ayants droit et FAI) pour être adopté. Mais le gouvernement n'exclue cependant pas de passer en force.

Dans sa présentation, Google en a profité pour aborder ce qu'il juge comme un excès de protection du droit d'auteur. Pour rappel, Viacom lui réclame , depuis plusieurs années, un milliard de dollars de dommages et intérêts. Et ses démêlés avec les ayants droit n'en finissent pas, comme l'a encore récemment illustré l' épisode Warner-YouTube . Google explique : «si une protection insuffisante du droit d'auteur peut réduire les incitations à créer, une protection excessive peut étouffer la créativité, étrangler l'innovation, appauvrir la culture et bloquer la compétition libre et équitable.» Selon la firme, «le droit d'auteur doit avoir une flexibilité suffisante pour que les nouveaux usages, que permettent les nouvelles technologies, puissent prospérer» .

Quel est l'intérêt pour Google de s'opposer officiellement à la coupure de l'accès Internet ? Comme pour la défense de la neutralité du Net dans laquelle il s'est engagé, le groupe a tout intérêt, économiquement parlant, à limiter tout blocage, discrimination ou limitation de débits sur les réseaux.

En France, il est cependant resté frileux sur le projet de loi Création et Internet, et son système de riposte graduée. Sa dernière sortie concerne un amendement, déposé par le rapporteur Franck Riester, qui le touchait directement, prévoyant de «surréférencer» certains sites labellisés.

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