Frédéric Mitterrand, ministre VRP de l'Hadopi

par Alexandre Hervaud
publié le 10 mai 2011 à 19h52
(mis à jour le 10 mai 2011 à 20h51)

Pendant que l'on célèbre à toutes les sauces le trentenaire de l'élection de son tonton, Frédéric Mitterrand ne chôme pas, lui. Avant de retrouver le glamour de Cannes, le Ministre de la Culture et de la Communication était aujourd'hui en visite des locaux de l'Hadopi. Une visite de 45 minutes, d'après Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité, et qui n'était pas ouverte à la presse. «Mais elle a été live-tweetée , a précisé le secrétaire général de l'Hadopi Eric Walter, achevant de nous convaincre. On a vraiment raté quelque chose à en croire Turblog , l'un des experts en charge d'un des Labs d'Hadopi :

«Je suis aussi ici pour dissiper les éventuelles allégations vues ci et là dernièrement et réaffirmer de la manière la plus forte ma totale confiance et mon appui à l'Hadopi» . Pour qui en douterait encore, le Ministre a lui même reconnu que son intervention avait clairement pour objectif d'éteindre l'incendie provoqué par les mots tenus par Nicolas Sarkozy lors de la présentation du Conseil National du Numérique. Un passage on ne peut plus éclair devant la presse : dix minutes, pas plus. Si le discours (lisible ici en pdf ) a commencé de manière spontanée, il a rapidement pris la forme d'une lecture consciencieuse d'un texte visiblement écrit en paraphrasant des données fournies par l'Hadopi, le tout prononcé à un débit mitraillette. «Pour des raisons d'agenda très chargé» , le Ministre a plié bagage avant de pouvoir répondre aux questions des journalistes.

L'essentiel de son allocution peut se résumer ainsi : tout roule du côté de l'Hadopi. Pas de difficulté à signaler, un calendrier respecté, des échanges constructifs avec les internautes... Dans le genre opération séduction, ses mots étaient totalement raccords avec la bannière décorative positionnée derrière lui, qu'on a d'abord pris pour une pub d'eau gazeuse. Autour du logo de l'Hadopi, des bulles colorées entourant des mots comme «internet», «création», «participatif», «charcuterie» et «responsabilité» -- l'un des termes précédents est un leurre, on avoue. Qualifiant de «work-in-progress» l'œuvre de l'Hadopi, le Ministre a promis la tenue d'un point presse à la rentrée, déclarant que «d'ici là, certaines réunions internationales comme le e-G8 autour de l'Internet civilisé se seront déroulées» .

Une fois Frédéric Mitterrand parti, Mme Marais et M. Walter ont répondu aux questions de la presse, usant souvent de la même réponse : «on ne peut rien vous dire, vous verrez tout ça dans le rapport annuel qui sera présenté mi-juillet» , qu'il s'agisse des chiffres précis sur la riposte graduée, du budget de leur prochaine «vaste campagne de communication» prévue pour la mi-juin, etc. Tiens donc, on pensait qu'elle avait déjà commencé. Une impression renforcée par la livraison d'un résumé de leur prochaine étude sur les «pratiques et perceptions des internautes français» face aux «biens culturels et usages d'internet» lisible ci-dessous :

On avait disséqué la première fournée livrée en janvier, et l'on tâchera de faire de même d'ici une semaine, lorsque l'intégralité de l'étude sera mise à notre disposition. Ce résumé, par nature incomplet, met bien entendu l'accent sur l'impact de la Haute Autorité, qui signale ainsi que 50% des internautes interrogés déclarent que «l'Hadopi incite à consommer plus régulièrement des oeuvres respectueuses du droit d'auteur» . Il va sans dire que cette moitié d'internautes là a été piochée dans une base de sondés «connaissant l'Hadopi» , et non dans l'ensemble des participants.

Mieux encore : 72% des internautes sensibilisés (comprendre ayant reçu une recommandation de la Haute Autorité) déclarent avoir réduit ou arrêté de télécharger illégalement. Un chiffre fort à relativiser : sur les 1500 internautes français interrogés, seuls 7% d'entre eux (ou quelqu'un de leur entourage, on espère que la version définitive permettra de faire la distinction !) ont reçu un tel avertissement. La moitié de ces 7% ont par la suite arrêté de consommer des biens culturels de manière illégale. Ces données se basent uniquement sur la bonne foi des sondés, qui ont parfois été amenés à répondre à des questions «légèrement modifiées» par rapport à celles posées dans la première étude «par souci de compréhension» . On se lancera dans un grand jeu des différences dès la publication de l'étude complète, prévue pour le 18 mai prochain.

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