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Facebook, à mort !

Une note du blog officiel de Facebook aborde la démarche à suivre pour que les profils de membres défunts soient reconnus comme tels dans le réseau social.
par Camille Gévaudan
publié le 27 octobre 2009 à 19h30

La semaine dernière, Facebook a mis en ligne la nouvelle formule de sa page d'accueil présentant, notamment, un nouveau système de «suggestions». En plus des classiques «Devenez fan de cette page» ou «Vous connaissez peut-être cette personne», le site propose maintenant à ses membres de «prendre des nouvelles» des amis auxquels ils n'écrivent pas souvent, de les aider à enrichir leur profil en écrivant quelque chose sur leur mur, ou de leur suggérer de nouveaux amis. Une initiative sans doute très louable et très altruiste dans l'esprit de ses créateurs, mais plutôt horripilante dans les faits, quand on réalise qu'on se fait rappeler à l'ordre et donner des leçons de sociabilité par un programme automatisé. Et le système peut devenir carrément glauque quand le bloc des suggestions propose de prendre des nouvelles d'un ami... décédé.

C'est pour éviter de confronter les utilisateurs à ce dérangeant cas de figure qu' une note du blog officiel de Facebook , publiée hier, aborde la démarche à suivre pour que les profils de membres défunts soient reconnus comme tels dans le réseau social. Max Kelly, de l'équipe sécurité de Facebook, rappelle que l'on peut demander au site de «mémorialiser» le profil du mort. Pas de le supprimer -- n'exagérons rien, il s'agit de Facebook et le respect a ses limites --, juste d'en faire un mémorial numérique. N'importe qui peut effectuer cette demande via un formulaire en ligne , en précisant la relation entretenue avec le compte visé (famille, ami, collègue, ou «autre») et en fournissant une «preuve de décès» : nécrologie ou «article de presse» prouvant l'événement. Pour Facebook, donc, n'est mort que celui dont on parle dans le journal, et encore -- seulement si l'avis est lisible en ligne. Car étrangement, le champ «Preuve de décès» ne permet pas d'envoyer au site un document scanné sous forme de pièce jointe, mais uniquement d'y écrire du texte ou d'y coller un lien.

Si la demande est prise en compte par Facebook, le compte du membre défunt se transforme véritablement en lieu de recueillement virtuel. Seuls les amis confirmés peuvent encore voir le profil, le trouver par le moteur de recherche et «laisser des messages sur le mur, en souvenir» . Toutes les coordonnées personnelles (adresses e-mail ou de messagerie instantanée, téléphone) sont masquées, et les mises à jour du statut publiées depuis la création du compte sont supprimées. Facebook ne proposera plus à personne de prendre des nouvelles du malheureux ou de l'inviter à un concert ou un pot de fin d'année, ni de le poker. Ce qui semble, somme toute, la moindre des choses. Mais les précautions de Facebook deviennent inquiétantes quand on apprend que «passer un compte en mode mémorial empêche quiconque de s'y connecter par la suite» . On imagine sans peine des situations de malentendu fâcheux où un collègue, demandant une «mémorialisation» de profil, interdit malgré lui à la famille du disparu de s'y connecter pour fermer le compte... Il reste toujours possible de réclamer à Facebook la désactivation du compte, mais aucun formulaire n'est prévu pour et la prise en compte de la demande pourrait être bien plus fastidieuse. Un internaute anglais donnait une idée de la difficulté de la tâche en expliquant l'an dernier avoir déjà envoyé trois e-mails à Facebook pour faire fermer le compte de son père, sans avoir jamais reçu de réponse.

Mais après tout, il fallait réfléchir à tout cela avant de s'inscrire. Le site est conçu pour communiquer et veut assumer cette fonction jusqu'au bout : «Quand quelqu'un nous quitte, il ne quitte pas nos mémoires ni notre réseau social. Pour refléter cette réalité, nous avons créé des lieux où les gens peuvent sauvegarder et partager le souvenir de ceux qui ont disparu.» Une attitude frôlant le malsain mais apparemment revendiquée, puisqu'une porte-parole du site déclarait à Rue89 : «Nous encourageons les utilisateurs à avoir recours aux groupes et aux discussions de groupes pour faire leur deuil et se souvenir des défunts.» Partager avec les vivants, partager sa tristesse avec les morts, et partager des histoires de morts avec les vivants. C'est aussi ça, Facebook.

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