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Libération

«Dilemme», trash indélébile

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 7 juin 2010 à 10h23

Patrick Le Lay avait rai… Non, on n'y arrivera pas. Patrick Le Lay avait raiso… c'est dur : Patrick Le Lay avait raison. Patrick Le Lay est un visionnaire. Patrick Le Lay est un menhir de la pensée. Combien de fois Libération s'est-il gaussé de l'ex-phare de TF1 dénonçant en 2001 les «sous-produits pornographiques» de M6, en l'espèce Loft Story qui rétamait les audiences de la Une ? Combien de fois daubâmes-nous sur l'incongruité d'une telle leçon de morale délivrée par le père de la télé trash ? Quinze fois, exactement, ce qui est beaucoup. Et totalement injuste depuis le 20 mai que la télé-réalité Dilemme a démarré sur W9, la filiale de M6. Là, d'accord. Sous-produit, ouais, et aussi pornographique, c'est sûr. Au point que le CSA vient de se réveiller d'un profond coma pour administrer à W9 une «mise en demeure» de respecter «la dignité humaine» . En l'occurrence, celle d'Ophélie qui, dans Dilemme , a dû faire le chien, laisse et gamelle incluses, contre quelques euros. En même temps, comme l'a dit Samir à Ophélie : le collier de chien «au moins, c'est accordé à ton soutchif. C'est le point positchif» . Et puis il s'en passe d'autres, dans Dilemme, de quoi adresser à Nicolas de Tavernost, patron du groupe M6, une «mise en cabane» . Alors hurlons avec les loups : houuuu que c'est laid toute cette jeunesse débauchée déguisée en saucisson (on vous expliquera). Sauf que la gargotière du concept Alexia Laroche-Joubert s'en tamponne le coquillard : «Dilemme, c'est la télé-réalité qui assume tout.» Tout? Même pas cap.

Ta mère à poil

Bien pratique, ça : on peut tout faire, puisqu'on assume tout. Dès l'entrée du premier candidat dans ce loft de Bry-sur-Marne, Dilemme a affiché son ambition. Alors Kevin (ce prénom n'est pas inventé), tu entres tout nu et tu fais gagner 5 000 euros à ton équipe ? Que croyez-vous que fit Kevin ? Il se déloqua, Kevin. Sous l'œil égrillard de l'animatrice, une dénommée Faustine Bollaert, reluquant certaine extrémité de son anatomie : «Là, pardon, petit joueur, j'ai envie de dire, il fait froid. Une pancarte aussi grosse n'était peut-être pas nécessaire.» Car Kevin portait une prude pancarte pour planquer ses parties. Ben alors Alexia, on assume tout ou bien ? Notre déception n'a pas duré : lors du prime suivant, la production proposait un autre dilemme à Kevin, soit son équipe perdait 6 000 euros, soit sa mère lui faisait gagner 6 000 euros en entrant dans le loft. Nue. Que croyez-vous que fit Kevin ? A poil, la daronne, pendant que, roulant des yeux faussement pudibonds, la Bollaert répétait : «Je ne sais pas si j'assume.» Las, la mère de Kevin était elle aussi dûment pancartée et de plus en maillot de bain dessous. Petit bras Alexia.

Ton chien à la moulinette

Ah l’horrible choix proposé à Ophélie… Triste Ophélie, fantôme blanc sur le long fleuve noir de l’incertitude : ton iench ou la thune ? Vivre dans le loft greffée à son chihuahua ou le laisser et enrichir la collectivité ? Trop fastoche et tandis que les nénuphars froissés soupirent autour d’elle, Ophélie prend la caillasse et lâche la bête. Pff, dans une vraie télé-réalité qui assume, on aurait, façon Averty modern style, passé au hachoir le chihuahua abandonné.

DR

Tes cheveux à la tondeuse

Même eau de vaisselle du côté d'Anaïs lors de la soirée de lancement. C'était l'acmé de ce beau praïme qui, déjà, piquait les yeux. Anaïs, soit tu te fais raser ta longue chevelure en direct et tu remportes 10 000 euros pour ton équipe, soit tu n'entres pas dans Dilemme . Dur. Mais que voulez-vous, on ne renonce pas ainsi à la perspective enchantée de pouvoir, peut-être, présenter à la sortie du loft une émission de voyance sur une chaîne de la TNT… Et là, alors qu'on attendait l'arrivée en plateau d'un intermittent du spectacle déguisé en FFI armé d'une tondeuse à mouton manuelle, c'est Mario, un merlan professionnel, qui est venu faire à Anaïs «la coiffure de Rihanna» ,certes un peu rasée sur les côtés mais bon.

Tes fesses dans le purin

Il faut être honnête, il y a tout de même des accalmies, dans Dilemme. Des moments de joie simple, bon enfant. Où l'on se fait une petite partie de baccalauréat. Un métier qui commence par «c» ? «Cerrurier» . Pas mal. Un animal en «n» ? «Un niguane» . Bien, nous, on n'avait qu'un néléphant. Mais ça, c'est juste pour faire passer le temps, histoire que la prod puisse préparer la nouvelle soirée. Chouette, une «soirée chic»  ! Du coup, les filles soulèvent leur robe à paillettes et montrent leur culotte à la caméra. Car elles ont une culotte, ce qui est chic, vous l'avouerez. Les garçons, eux, servent une soupe à la langue. Celle que Jason (ce prénom n'est pas inventé non plus) doit tourner dans la bouche des autres garçons. Eh ! 500 euros la galoche, tout de même. Après, Marie, pour la même somme, a dû s'allonger dans une piscine de purin et s'en recouvrir. Pas mal, le purin, Alexia, il y a de l'idée. Mais la prochaine fois, ce sera piscine de merde. Il faut assumer.

Ta Cindy en saucisson

C'est l'attraction de Dilemme  : Cindy, de Mouscron (Belgique), fan de Barbie (pas Klaus, hein). A ceux qui s'interrogent sur les contrats de travail des candidats, celui de Cindy est limpide : strip-tease permanent, c'est son boulot. Une employée modèle, Madame Cindy. Vous mettez la musique et hop, Cindy fait sauter son soutien-gorge et bondir ses nichons en plastique. Lesquels, à la télé, sont difficilement masqués d'un bandeau et viennent de disparaître mystérieusement du site web. Du coup, pour le saucisson, il va falloir nous faire confiance. C'était une soirée SM (ben quoi ?) animée par Cindy et son fidèle compagnon interlope Flo. Lui était vêtu d'un pantalon de cuir taille très basse laissant apparaître l'inscription «Fuck Me I'm Famous» en bas des reins. Elle était en saucisson. Certes le sifflard de chez Maîtresse Cochonou, celui en latex ficelant ses formes et dépourvu de la moindre once de tissu. Et Cindy et Flo de se livrer à un numéro de frotti-frotta des plus bucoliques. Elle était bien, la soirée SM mais un peu fleur bleue quand même. Vivement la soirée zoophilie ou mieux : snuff movie.

Paru dans Libération du 5 juin 2010

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