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Libération

Didier Mathus à l'Hadopi: «Cette institution n’a pas d'avenir»

par Sophian Fanen
publié le 4 janvier 2012 à 18h19
(mis à jour le 5 janvier 2012 à 13h27)

Didier Mathus, opposant notoire à l'Hadopi et conseiller de François Hollande sur les enjeux numériques de la culture, siégera donc bien à la haute autorité chargée de lutter contre le téléchargement illégal. Enfin, dès que le décret de nomination aura été publié au Journal officiel, probablement en début de semaine prochaine. Pour l'instant, comme il nous l'avait déjà dit hier , le député socialiste de Saône-et-Loire n'a «pas d'informations» mais acceptera cette nomination.

Selon les statuts de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, le collège est son organe dirigeant. Il est chargé de trois missions, inscrites dans la loi Création et Internet:

_ - Encourager le développement de l’offre légale et observer l’utilisation licite et illicite des œuvres sur Internet

_ - Protéger les œuvres à l’égard des atteintes aux droits qui leur sont attachés (excepté la mission de réponse graduée qui incombe à la Commission de protection des droits)

_ - Réguler l’usage des mesures techniques de protection

Reste donc à voir quelle sera la marge de manœuvre de Didier mathus (lire la précision en bas de page sur ce sujet) au sein de ce collège de neuf membres où les décisions se prennent à la majorité des voix des présents (le quorum étant fixé à cinq membres).

Nous lui proposons quelques pistes pour ralentir les travaux de la Hadopi.

_ - Organiser un bourrage généralisé des imprimantes

_ - Ecouter Drumcorps à fond sur son téléphone portable dans les couloirs

_ - Demander le 50/50, puis téléphoner à un ami avant chaque vote

_ - Télécharger Intouchables tous les jours

_ - Ouvrir le Wifi de l'Hadopi

En attendant, Didier Mathus a répondu à nos questions.

Avez-vous été surpris par cette nomination?

Oui. j'en étais resté à une discussion avec Jean-Pierre Bel [le nouveau président socialiste du Sénat, ndlr] avant Noël. Depuis, le sujet n'a pas été remis sur la table. Ce n'est pas moi qui ai sollicité cette nomination. Jean-Pierre Bel souhaite afficher là une position symbolique, comme il l'a fait en nommant Bernard Maris à la Banque de France . J'ai trouvé cette idée saugrenue dans un premier temps. Puis j'ai réfléchi et consulté François Hollande. Je considère aujourd'hui cette nomination comme une mission politique avant tout.

N'est-ce pas contre nature, pour un anti-Hadopi virulent comme vous, de siéger dans l'institution que l'on souhaite voir disparaître?

C'est en effet paradoxal, mais le Sénat devait nommer quelqu'un, alors autant que ce soit un combattant concerné. Je n'ai pas pour autant changé de position vis-à-vis d'Hadopi, je porterai mes idées au sein de cette institution qui pour moi n'a pas un très grand avenir.

Vous prônez l'abrogation de la loi Hadopi auprès de François Hollande. Est-ce que cela va figurer noir sur blanc dans le programme du candidat qui doit être bientôt présenté?

Les positions sur ce sujet ont été mises à plat pendant le dernier mois écoulé. L'abrogation est aujourd'hui la position partagée par tous les spécialistes concernés auprès de François Hollande, mais on verra... Dans tous les cas, nous souhaitons prendre acte du bénéfice des échanges libres pour la culture mondiale en créant un nouveau droit d'auteur qui prenne en compte la réalité de l'ère Internet.

Comment voyez-vous les suspicions de téléchargements illégaux effectués depuis l'Elysée puis le ministère de la Culture?

Ça montre qu'interdire est illusoire si même le ministère de la Culture peut être pris les doigts dans le pot de confiture. Il faut plutôt respecter les échanges non marchands. Et je pense que cette vision fait également son chemin au sein de l'UMP. Elle était minoritaire lors des débats sur l'Hadopi, mais le camp s'étoffe aussi à droite. La réflexion de l'UMP a dans un premier temps été captée par des affinités avec les majors de la culture et des sociétés de production, ce qui l'a entraînée à reproduire un schéma ancien. Sauf que ça ne marche pas et que ça ne marchera jamais. Dans les couloirs de l'Assemblée nationale, c'est déjà une réalité... et au ministère de la Culture aussi, même s'il est obligé de soutenir les décisions du gouvernement.

Précision (5 janvier): D'après la charte de déontologie adoptée par le collège de l'Hadopi le 17 février 2011 et la loi qui encadre son fonctionnement, seuls les agents de la Haute autorité doivent «s'abstenir d'exprimer des positions contraires à celles qui ont été arrêtées par l'Hadopi» . En tant que membre nommé du collège, structure politique, Didier Mathus garde bien sa liberté d'expression. Il ne sera soumis qu'à une discrétion professionnelle quant à la teneur des débats et au «secret professionnel» concernant les «faits, actes ou renseignements» internes.

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