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Current TV, pari gagnant d'Al Gore

Lancée par l'ancien vice-président américain, la chaîne participative a trouvé son équilibre.
par Bruno Icher
publié le 24 août 2007 à 9h19

En général, le candidat malheureux à une élection présidentielle américaine est précipité aux oubliettes aussitôt l'échéance passée. Que celui qui a eu des nouvelles récentes de John Kerry dise le contraire. Ce n'est pas le cas d'Al Gore. Vice-président durant les deux mandats de Bill Clinton, battu par George W. Bush en 2000 dans les conditions que l'on sait, l'ancien sénateur du Tennessee est devenu, en sept ans, une figure atypique mais importante des médias.

Bien entendu, son engagement en faveur de l'environnement, concrétisé par le documentaire doublement oscarisé Une vérité qui dérange de David Guggenheim, y est pour beaucoup. Mais l'autre succès d'Al Gore, c'est Current TV, un des rares projets de média participatif qui semble avoir trouvé un équilibre entre contributions des particuliers et production de reportages professionnels.

Net. Le lancement de cette chaîne de télévision date de 2004. Au lendemain de la réélection triomphale de Bush, le contexte est particulièrement favorable à l'émergence d'une chaîne militante alors que les médias traditionnels américains, télévisions en tête, sont montrés du doigt pour leur myopie patriotique. Dans un premier temps, l'idée consiste à créer une chaîne d'informations et de reportages sur le réseau câblé américain en sollicitant les téléspectateurs pour qu'ils envoient leurs propres images. Malgré le solide soutien financier du partenaire d'Al Gore, l'avocat et homme d'affaires démocrate Joel Hyatt, le projet est jugé trop cher et trop risqué. Le duo se lance alors exclusivement sur le Net.

Depuis son lancement, en août 2005 à San Francisco, et en dépit de sa croissance (350 salariés aujourd'hui), Current TV se tient scrupuleusement à ses principes de base. Le comité éditorial de la chaîne effectue un choix strict parmi les centaines de reportages qui lui sont expédiés et construit une ligne éditoriale composée à 30 % environ des images d'amateurs. L'ensemble, majoritairement consacré à des problématiques américaines (l'Irak, la pauvreté ou les conséquences de Katrina) mais de plus en plus ouvert à des sujets internationaux (les affrontements au Liban, à Gaza, les manifestations ­anti-CPE en France, etc.) revendique une tonalité militante.

Réseaux câblés. Quelques semaines après le lancement, un reportage avait notamment donné le ton : un GI démobilisé était retourné en Afghanistan, dans les grottes de Tora Bora, pour filmer l'endroit précis où était caché Ben Laden. Ces images sont parmi les plus vues de Current TV.

Après deux ans de fonctionnement, Current TV se porte bien. Son financement est assuré principalement par la publicité, mais selon une logique propre à la chaîne : un annonceur verse une somme forfaitaire à la chaîne, qui lance un appel aux internautes pour concevoir, avec leurs propres moyens, un spot publicitaire. Les meilleurs, sélectionnés par la chaîne et l'annonceur, sont ensuite diffusés à l'antenne, et les créateurs rémunérés.

Depuis 2006, Current TV a passé la vitesse supérieure. La chaîne est désormais accessible sur deux réseaux câblés américains, s'assurant une audience potentielle de près de 40 millions de foyers.

VoD. Un éphémère partenariat avec Yahoo ! prévoyait le lancement de chaînes thématiques (sport, tendance, tourisme.) mais les deux parties y ont mis un terme en décembre. En revanche, ­Current TV a conclu en septembre un accord avec l'opérateur satellite BSkyB afin de créer une version locale diffusée en Grande-Bretagne. ­Prochaine étape, avant la fin 2007, le lancement d'un service de VoD (vidéos à la demande) en partenariat avec ­Virgin.

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