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Libération

Canal+ en 2012 ? «Pop et potache»

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 30 mai 2011 à 11h10
(mis à jour le 30 mai 2011 à 13h45)

A 41 ans, Rodolphe Belmer dirige Canal+ depuis bientôt huit ans. Les abonnements sont en hausse, les audiences du clair aussi. Ça va, quoi.

Allez, dites-nous, on meurt d’impatience : mais qui va donc remplacer Bruce Toussaint à midi ?

Les trois grands axes de notre grille en clair de rentrée, c'est la montée en puissance d'Ali Baddou, d'Anne-Sophie Lapix et enfin de Yann Barthès. Ali Baddou sera à la tête d'une nouvelle émission qu'on va lancer à midi, la Nouvelle Edition , une grande tranche d'informations et de témoignages, mais l'info vue des gens qui la vivent et non pas vue des gens qui la font.

Pourquoi Ali Baddou ? Vous aviez peur qu’il parte à France Télévisions ?

Non, je sais qu'il en a été question mais Ali a envie de s'inscrire sur le long terme à Canal. C'est quelqu'un qu'on a envie de faire monter en puissance dans la maison et de développer. Il va continuer à assurer les remplacements de Michel Denisot au Grand journal . Et enfin, il va être à la tête d'une émission hebdomadaire cet été, le Grand Mag , une émission de culture pop . Culturelle mais pas académique. L'idée étant, humblement, d'avoir un format qui embrasse les tendances contemporaines, un peu à la Vanity Fair .

Avez-vous songé à remplacer Anne-Sophie Lapix à Dimanche+ ?

Non, Anne-Sophie est quelqu'un dont on espère beaucoup. Dimanche+ va être attendue pour la présidentielle. On va recentrer l'émission sur l'actualité politique en analysant et passant les programmes au ban d'essai. Et pour la présidentielle, pour la première fois sur Canal, on aura des soirées électorales, en clair, présentées par Anne-Sophie avec Michel Denisot. Avec des invités et des commentateurs plus pop et modernes que ce qu'on peut trouver ailleurs.

Vous n’allez pas inviter Alain Duhamel ?

Je n’ai pas dit ça. Et je me suis promis de ne pas dire de conneries.

Le Petit Journal de Yann Barthès n’est-il pas en train de devenir un rendez-vous trop attendu des politiques, quasiment institutionnel ?

Que ce soit devenu un rendez-vous très important, c'est sûr. Que les politiques essaient de ne plus se faire surprendre, c'est certain. Ça complique le rôle du Petit Journal qui est de montrer les travers des politiques. Après, on a une équipe très forte au Petit Journal avec beaucoup de monde, ce qui permet de voir beaucoup de choses. D'ailleurs le Petit Journal va prendre une place plus importante l'année prochaine, sa durée va être doublée, de huit minutes à plus de quinze chaque jour. L'idée est d'en faire un vrai journal alternatif, avec le ton de dérision pop et potache.

Le Petit Journal n’est-il pas en train de bouffer le Grand Journal ?

Non. Le Grand Journal va rester, toujours autour de Michel Denisot, le grand rendez-vous quotidien politique, culturel et avec de l'esprit. C'est l'ancrage éditorial de Canal.

Certains rendez-vous du week-end sont faiblards, tel Tout le monde il est beau…

Salut les terriens marche très bien et sera reconduite, toujours avec Stéphane Guillon. Tout le monde il est beau s'arrêtera à la rentrée mais avant, cet été, qui verra d'ailleurs Ariane Massenet présenter le News Show , l'émission sera déclinée en Tout le monde il est beau et bronzé -- oui, c'est pas une super vanne. À la rentrée, une déclinaison culturelle de la Nouvelle Edition , la remplacera.

Ça ne manque pas un peu de sang neuf ?

Non, la montée en puissance d’Ali Baddou et Yann Barthès, c’est l’émergence de talents développés par Canal, comme Maïtena Biraben.

Après Pigalle la nuit, Hard, Maison close , quelle sera la prochaine fiction de cul ?

Hard 2 , qui démarre lundi, c'est franchement hilarant. Le cul quand c'est drôle, c'est génial.

Et la fiction sans cul, alors ?

On monte en puissance sur la création originale dont on veut faire un véritable moteur d’abonnements. Dans le monde d’hyperconcurrence, celui de la TNT, mais aussi le monde ouvert et globalisé d’Internet, les téléspectateurs vont pouvoir consommer ce qu’ils veulent quand ils veulent. L’enjeu c’est d’avoir une ligne éditoriale distinctive, exclusive et excitante.

Par exemple ?

On continue nos séries d'auteur du lundi, où on attire de grands talents du cinéma français, comme Florent Emilio Siri qui va faire l'Anarchiste , une série sur Bonnot. Nous aurons aussi pour la première fois une série fantastique, les Revenants . On est également en train de développer les mégamétrages, des grosses coproductions internationales qui ont pour ambition d'être aux séries ce que le blockbuster est au cinéma, comme les Borgia . Et on lance une nouvelle ligne, des comédies de 26 minutes, avec notamment Kaboul Kitchen et Au service de la France . On investit plus que les autres. Dans nos fictions du lundi, on met en moyenne un million d'euros par heure produite, alors que le marché français est à 676 000 euros. Pour nos grosses coproductions, on veut aller jusqu'à 3 millions d'euros pour être au standard des meilleures séries internationales. On aura un très gros truc : le Vol des cigognes , d'après Jean-Christophe Grangé, que va réaliser Jan Kounen. Et un Versailles , par les époux Jacquemetton, qui écrivent déjà Mad Men .

Allez-vous poursuivre dans la veine beauf du Canal Football Club ?

N'importe quoi ! Le Football Club c'est pas du tout beauf : c'est débonnaire et spectaculaire. C'est le grand show du foot qui a pour objectif d'amener le championnat de Ligue 1 au grand public.

La Ligue de foot professionnelle a présenté un appel d’offres incroyablement complexe. Qu’en avez-vous compris ?

C’est effectivement d’une complexité et d’une sophistication extrêmes. La Ligue de foot est dans son rôle en s’efforçant de rendre le plus attractif possible son produit et de le valoriser au mieux. Après, ce qu’on constate et sans polémiquer, c’est que cet appel d’offres a été fait en contradiction avec nos demandes, qu’on trouvait légitimes : avoir la grande affiche le dimanche soir car c’est inscrit dans les habitudes de notre public, et acheter les matchs en exclusivité. L’appel d’offres ne répond pas à ces demandes. Dont acte.

C’était une bonne affaire de racheter à TF1 un bout de la Coupe du Monde de Rugby vu le décalage horaire ?

Une bonne affaire, c’est pas le mot, mais on est très présent sur le rugby, et on voulait pouvoir proposer de la Coupe du monde. Après, sur le décalage horaire, on a un public de fans qui va se lever le matin. Et on aura, tous les jours à 18 heures, Jour de coupe du monde, avec des consultants comme Bernard Laporte et Serge Blanco.

En annonçant une chaîne gratuite Canal 20, vous vous êtes mis à dos TF1, M6 et l’Elysée…

Honnêtement, on ne voulait se mettre personne à dos. Que nos concurrents ne voient pas ça d’un bon œil, on s’y attendait. Mais on n’a pas l’intention de s’opposer au gouvernement. Notre position est simple : il y a une loi qui attribue à Canal+ et aux autres, un canal compensatoire. On a juste dit, quasiment innocemment, notre intention de faire du nôtre une chaîne gratuite.

TF1 fait-elle pression sur l’Elysée pour que cette chaîne ne voie pas le jour ?

Je ne sais pas.

I-Télé est toujours à la traîne derrière BFM TV : comment remonter l’audience ?

Je ne suis pas d’accord: i-Télé a pour vocation et ambition d’être la chaîne d’infos qualitatives de référence. I-Télé ne fera pas d’info spectacle. On s’adresse à un public qui a un rapport exigeant vis-à-vis de l’information. On est leader sur la cible qu’on cherche, celle des CSP+. On va faire des efforts pour ancrer cette idée, on va investir plus, développer la politique, l’international. On ne veut pas être Fox News, ça ne nous intéresse pas.

Où en êtes-vous des discussions avec Orange pour la reprise de ses chaînes ? La Tribune dit que le projet d’alliance est remis à plat…

Les discussions ont lieu depuis très longtemps autour d’un objectif - inchangé - qui est de nouer un partenariat entre Orange et le groupe Canal pour améliorer la rentabilité de nos chaînes TPS Star et Orange Cinéma Séries qui perdent toutes les deux beaucoup d’argent. Il y a une négociation mais pas encore de décision.

C’est de la langue de bois, ça. Le schéma de départ était une structure à 50-50. Reste-t-il le même ?

Il est possible et même probable que cette répartition évolue. Mais on a besoin d’avoir des relations avec Orange en tant que distributeur, et Orange avec nous, en tant qu’éditeur de chaînes. On veut nouer avec Orange des partenariats pour des applications transmédias autour des programmes de Canal. Par exemple, l’idée, c’est de permettre à nos abonnés, pendant qu’ils regardent le match, d’avoir accès à des statistiques contextualisées sur leur iPad. On développe aussi des intersaisons d’Engrenages, pour faire le lien entre chaque saison diffusée sur Canal. Toutes ces choses-là, qui sont des façons d’enrichir l’expérience télévisuelle, sont importantes.

Paru dans Libération du 27/05/2011

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